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Le petit-bourgeois terre à terre

J'avais écrit ce texte en aout 2005, ce texte subsiste depuis plus de 18 ans ! Il est donc majeur, a le droit de vote, le droit de cité. Il a été pondu par moi-même complètement spontanément et tout seul, probablement dans le train entre Genève et Neuchâtel, pendant mes voyages de pendulaire. Je l'ai réutilisé depuis, en ôtant quelques passages, notamment dans mon discours oral lors de ma fête d'anniversaire, il y a d'ici bientôt 8 ans, et le texte avait alors déjà plus de 10 ans! Ce qui me frappe, c'est que rien ne change, je le trouve d'une actualité incroyable. Je partage ce constat et même si la mise en contexte peut-elle varier, le message demeure.  Je m'y suis déjà référé dans mes blogposts précédents sans donner l'origine, et je vais m'y référer davantage dans mes blogposts à l'avenir, maintenant que le lecteur en connaît l'origine. Je remets le texte ici dans la version originale de 2005 sans changer un mot. Les images ont été ajoutées récemment en décembre 2023, elles ne faisaient pas partie du texte original.

Août 2005

Le petit-bourgeois terre-à-terre

Il se prend très au sérieux. Les autres l’irritent, surtout quand ils ou elles sont plus jeunes que lui. Il ne dort pas bien, sa santé se dégrade, il constipe peut-être même. En tant que jeune homme, il n’osait jamais aller vers les filles qui lui plaisaient : il aurait fallu se surpasser, être original ou encore « dépenser », bref, son père s’en tapait probablement plus  que lui… Aujourd'hui, son travail au bureau le frustre, le patron est un con, les collègues l’ennuient. Sans passion et fatigué de la vie pour s’adonner à de vrais principes ou à des valeurs spirituelles et n’ayant non plus assez de « temps » pour  sérieusement soigner sa condition physique, il a trouvé quelques occupations, dira-t-on, spontanées : moraliser son entourage, compter son argent sans cesse, et surtout, juger autrui. S’il a vécu assez bien pendant toute sa vie -  chanceux de naître dans un pays riche - son confort potentiel diminue de jour en jour. Malchance, car évidemment, rien n’importe davantage que les choses : la voiture, les skis, la belle petite maison avec le jardin.

Il sait toujours tout mieux que les autres ; inutile d’essayer de débattre, monsieur a toujours raison. Faire de la politique oui, mais sans adhérer à une idée ; non, cela coûterait trop, il suffit donc de condamner cyniquement.

Un jour, les voisins festoyaient un vendredi soir : lui, en cachette, il a appelé la police. Samedi matin, il a fait briller sa voiture, il a tondu le gazon de son jardin : tout doit paraître plus soigné et plus ordonné que chez le pauvre type habitant en face.  

Il ne dit plus à sa femme « je t’aime » depuis trop longtemps (on ne sait pas ce qu’il pense), et n’arrive plus à lui faire l’amour sans trois verres de rouge, et encore, le plaisir se fait attendre. Les enfants les pauvres ne comprennent rien à la vie, car ils manquent de pratique ! La pratique, la réalité cynique, il n’y a que ça de vrai…n’est-ce pas ? Reflet de sa rigueur, sa petite maison : tout est bien rangé, attention, on ne laisse rien au hasard ! La surface doit briller, alors il se tient à des principes de pseudo-courtoisie et de pseudo-savoir-vivre. Du style : on ne parle pas aux inconnus, et on ne fait confiance à personne tout en hurlant « moi je moi je… » au téléphone portable…devant des inconnus, dans le train  peut-être. Les arts et la littérature, mais la nature non plus ne l’intéressent guère et il peine à se passionner pour quoi que ce soit. Il n’a jamais le « temps ». On dirait qu’il est dépendant, voire prisonnier, sans pouvoir l’avouer. Mais de quoi ? 

Épilogue au sujet du petit-bourgeois terre à terre 

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Peu d’entre nous aimeraient ressembler au petit-bourgeois terre à terre ci-dessus. Évidemment qu’il s’agit d’une caricature, car le but de ce modeste texte ne consistait nullement à dresser le portrait de quelqu’un de précis ou encore à donner une image éventuellement cohérente d’une personnalité ne serait-ce que fictive. Ce sont là des exemples venus spontanément pour esquisser des traits peut-être typiques d’une pathologie : celle du petit bourgeois terre-à-terre. Il est clair qu’une partie du petit bourgeois terre-à-terre nous habite et dort en nous; en réalité, il est souvent tenté de se réveiller, et de prendre le dessus, malgré nous. L’ennui et le vide qui s’installent dans le train-train quotidien (expression inventée par le petit bourgeois) une fois rentré du travail le soir, souvent trop tard, il est « facile » de refuser la réflexion et la méditation sur l’existence, sur les valeurs et les convictions. Il est bien plus facile de mettre ses malheurs sur autrui. La petitesse décrite ci-dessus, découlant d’un égoïsme sans limites, nous rend non seulement malheureux, mais nous aliène pas à pas de ce qu’on pourrait appeler très modestement la joie de vivre ou même simplement « la vie ». Le petit-bourgeois terre-à-terre ne sachant ni pourquoi ni comment, passe, en fait, à côté de  « la vie ». La médiocrité et l’ennui au quotidien, le manque de valeurs et de perspectives d’épanouissement amènent à cet état dont j’ai tenté relever quelques symptômes comme l’irritation, l’intolérance, un scepticisme à outrance et surtout le refuge dans des pseudo principes de vie.  Car malgré tout, l’être humain a besoin de s’accrocher.  La question est donc de savoir à quoi voulons-nous nous accrocher pendant notre existence.  Ce dernier choix est libre.

 

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