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Est-Ouest-Est-et Ouest/Ouest: Le détonateur Berlin 2024

C'était la quatrième fois que je visitais Berlin, d'abord en 1990, y compris Berlin Est officiellement, mais juste après la chute du mur. En 1998: pour un voyage en train "Interrail" en Europe avec un ami, ensuite en 2000 pour en apprendre davantage sur le système politique allemand quand je faisais des études à Regensburg.  Cette fois, Un voyage à Berlin au printemps 2024 m'a fait prendre conscience de la richesse historique que j'ai pu vivre. Rien que ça....... Vers Checkpoint Charlie une guide australienne, brillante connaisseuse de l'histoire, nous raconte l'histoire des Trabant et des Wartburg, ces fameuses voitures est-allemandes à deux temps. Le bloc Est n'est pas une fiction ou un mépris comme pour beaucoup à l'époque de l'autre côté du Mur: pour moi c'est un vécu jusqu'à l'os, ayant pu le contraster avec l'Ouest pur dans mon enfance même. Bref, le public de la visite touristique captivé par le récit n'en revient pas, et n'imagine pas comment ces gens pouvaient attendre 10 ans pour une voiture aussi pourrie. Révélation. La première voiture de mes parents était une Trabant mais pas en Allemagne de l'Est et en Hongrie et ils avaient dû attendre des années aussi pour l'obtenir. Pour les touristes qui écoutent avec fascination cette guide devant Checkpoint Charlie, c’est une curiosité d’un autre temps. Pour moi, c’est un écho encore vif. La Hongrie de l'époque était encore marquée par les cicatrices laissées par les régimes totalitaires et le poids du bloc soviétique. Mes souvenirs de ces années-là sont malgré tout clairs comme l'eau de roche, baignés dans une atmosphère particulière, comme si l'air lui-même était chargé de l'histoire en mouvement.

Retrouver mon blog musical ici (cliquer)

 
Pourquoi Berlin
 
Dans les années 1920, Berlin était la ville de l’extravagance et de la modernité. Sous la République de Weimar, elle était un laboratoire social et artistique, où tout semblait permis. La capitale allemande rivalisait alors avec Paris et New York : les cabarets faisaient danser une jeunesse assoiffée d’oubli, les clubs de jazz résonnaient aux sons du swing venu des États-Unis, et les artistes d’avant-garde, du Bauhaus au cinéma expressionniste, repoussaient les limites du conventionnel. Les romans de Philippe Kerr, avec son détective Bernie Gunther, recréent magistralement cette atmosphère fiévreuse, où derrière les lumières des néons et la fumée des bars flottait déjà l’ombre menaçante du nazisme.
 
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Puis, tout s’effondre. Dès 1933, Berlin passe sous le joug de Hitler et devient la capitale du IIIe Reich. La ville qui était un havre pour les penseurs ouverts et les artistes devient un bastion du totalitarisme. Les clubs de jazz ferment, les cabarets s’éteignent, les intellectuels fuient. Après la guerre, Berlin n’est plus que ruines. La ville, rasée par les bombes, devient un terrain de reconstruction autant qu’un champ de bataille idéologique. Partagée entre les puissances victorieuses, elle incarne la division du monde. En 1961, l’ultime coup de couteau tombe : le Mur, séparant brutalement l’Est et l’Ouest.
 
Marcher dans Berlin, c’est avancer dans une ville qui porte les stigmates de l’histoire du XXe siècle à chaque coin de rue. C’est donc récemment en 2024 - et j'ai 48 ans aujourd'hui -  que j’ai eu la chance de refaire un voyage à Berlin, on l'avait annulé trois fois ces dernières années pour diverses raisons, notamment à cause de la pandémie.... En réalité, je connais intimement les deux Berlin Est et Berlin Ouest, car mon parcours familial m'a naturellement connecté aux deux, aux gens, aux destins individuels entre Est et Ouest. Même à des amis. 
 
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Cette ville, chargée d’histoire, de souffrances et de libertés retrouvées, m’a permis de comprendre à nouveau, en tant qu'adulte, à quel point ces événements du passé avaient façonné ma perception du monde. Encore maintenant et surtout toujours et encore maintenant ! Un moment de pleine prise de conscience, un véritable retour aux sources. Marcher sur les traces du Mur, réaliser encore une fois ce qu’il représentait, et me rendre compte que cette histoire fait encore partie intégrante de ma propre histoire. 
 
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Mais avant même la chute du Mur, un événement marquant se joue en Hongrie : l’ouverture du rideau de fer. À l’été 1989, les autorités hongroises décident d’ouvrir la frontière avec l’Autriche, permettant à des milliers d’Allemands de l’Est de fuir vers l’Ouest. Mon prof de géo au Cycle d'Orientation (école secondaire) à Meyrin, "dis-donc Olivier, ça bouge en Hongrie on dirait... " Purée je n'oublierai jamais. Ce geste, que certains considèrent comme le premier coup de marteau porté au Mur de Berlin, est un tournant. On  se souvient de ces files d’Allemands abandonnant leur Trabant sur le bas-côté, préférant partir à pied plutôt que de risquer d’être refoulés. Ce moment de bascule, cette brèche dans le système, annonce ce qui suivra quelques mois plus tard : la chute officielle du Mur, le 9 novembre 1989.
 
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Et mon flashback revient: toute ma vie durant jusqu'à ce jour de 1989 j'avais passé un moment chaque été au bord du lac Balaton et étais témoin de l'histoire sans le savoir:  au "Plattensee" comme les Allemands l'appelaient, se retrouvaient, autant qu'elles le pouvaient, pour quelques jours les familles allemandes de l'Est et de l'Ouest, en secret, dans l'espoir... qu'un jour on retrouve pour de bon.
 
 
 
 
De derrière le rideau de fer jusqu'à Genève et de retour à l'Est en guerre froide

Né à Budapest, à Buda même, en 1976 dans un contexte historique déjà riche en événements - pour voir ce que veut dire cette année lire le ticket précédent sur ce même blog ici. Pour le répéter rapidement : L'année où les Sex Pistols au Royaume-Uni ont fait exploser la planète avec leur punk rock, "God Save the Queen". En Espagne, le roi Juan Carlos I accédait au trône, marquant le début de la transition démocratique après la mort du dictateur Francisco Franco.  En Suisse, 1976 a été l'année du premier vol commercial du Concorde, symbole d'innovation technologique et de coopération internationale.  En Hongrie, le régime communiste était toujours en place, mais des signes d'ouverture culturelle commençaient à se manifester. C'était l'aube d'une nouvelle ère, même si le chemin vers la liberté et la démocratie était encore long. Sur la scène internationale, les États-Unis commémoraient leur bicentenaire, tandis que l'Afrique du Sud était secouée par les émeutes de Soweto, un tournant crucial dans la lutte contre l'apartheid. En Chine, la mort de Mao Zedong a ouvert la voie à des réformes économiques et sociales qui allaient transformer le pays de manière profonde.

 

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Mais c'est aussi l'année ou de facto Iron Maiden s'était formé, et oui. Ou encore Queen qui sort des chefs-d'œuvre, le titre "Tie your Mother down", pour n'en citer qu'un, bref, Aerosmith sort l'album "Rocks", classique et influence musicale irrattrapable depuis lors. La liste est encore longue avec KISS qui sort Destroyer, Black Sabbath avec "Technical Ecstasy" sans oublier AC / DC avec son plus grand classique "High Voltage". 

Déjà en 1978 - à mes deux ans -, ma vie a pris un tournant majeur. Mon père, diplomate hongrois du commerce extérieur, a reçu une affectation qui nous a conduits à Genève, en Suisse ! C'est la fameuse Genève internationale avec ces Missions permanentes auprès des Organisations Internationales, cet élément historique et géopolitique qui a fait que nous avons atterri à Genève, et à Champel en plus, où je débarque à la crèche, etc. Je n'avais que deux ans, et j'atterris dans un autre monde, littéralement.  

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Je garde de ces premières années en Suisse une vision pleine de contraste.  En 1983,  retour en Hongrie, et cette fois, c'était différent. Le pays était en pleine mutation sous le régime communiste, bien que les signes avant-coureurs de la fin du bloc de l'Est étaient déjà visibles. Nous avons vécu ces dernières années du régime de manière paradoxale, avec une sensation de renouveau dans l'air, mais aussi une mélancolie des liens qui se tissaient au fur et à mesure.

Les gens pouvaient voyager plus ou moins même vers l'Ouest, beaucoup allaient déjà faire leurs courses à Vienne, en Autriche. Notons les formalités importantes du bloc de l'Est pour les enfants de mon âge entre 1983 et 1988  Dès l'école primaire, on devenait "kisdobos" ("Petit Tambour"), une sorte d'introduction au mouvement pionnier. Ce titre s'accompagnait de cérémonies officielles où l'on recevait un foulard bleu et un petit carnet de règles morales à suivre, inspirées des principes socialistes. Ensuite, à partir de 10 ans, nous passions au stade de "Úttörő" ( les "pionniers" plus connus peut-être que les "kisdobos"), avec un foulard rouge. Même si formellement nous devions prêter serment à la patrie, participions aux défilés, aux chants et aux camps d'été organisés par l'État, mon souvenir est que tout le monde, tous les jeunes regardaient déjà vers l'Ouest, très clairement. Musique, habits, style de vie, tout le monde voulait ressembler à l'Ouest,  le système "socialiste" était déjà en décadence dans la culture et les sous-cultures de la jeunesse - mais ailleurs aussi- nous le sentions déjà. 

 

Retour en Suisse

 

Le retour en Suisse s'est fait en 1988, lorsque mon père a pris un poste important au GATT Accord sur les tarifs douaniers et le commerce, devenu la fameuse Organisation mondiale du commerce (OMC) quelques années plus tard. Nous quittions la Hongrie en toute indépendance, mon père est le premier fonctionnaire international hongrois au GATT, c'est historique. Établi à Meyrin/GE, un changement dans l'air engendre ma conversion musicale, de la pop au hard rock et surtout au heavy metal (voir blog musical ici ). Là, les années du Cycle d'Orientation et du Collège se sont enchaînées, et l'adolescence a pris une forme particulière. C'était un monde où les frontières étaient déjà moins visibles, mais qui se préparait à connaître une révolution géopolitique.

Depuis 1988, je suis resté en Suisse. Le pays qui m’a vu grandir en grande partie. Mon expérience, entre l'Est et l'Ouest, a façonné une vision du monde unique, où la liberté, le respect des différences et la conscience de l'histoire sont au cœur de tout.  J'ai eu la chance de vivre à un moment où les murs, littéralement et symboliquement, se sont effondrés. Un privilège, mais aussi une responsabilité. L’histoire nous appelle à être conscients de ce que nous avons vécu, mais aussi à construire un avenir où les libertés ne sont jamais tenues pour acquises : car j'ai vu la liberté, la pseudo-liberté, le collectivisme, les réformes intérieures relativement libérales et subtiles de l'économie planifiée en Hongrie. Mais j'ai aussi vu et vécu l'ignorance ici à l'Ouest et la stigmatisation de ceux venus "de l'autre côté du rideau de fer" encore en 1988, à la veille de la chute du bloc Est et de la recomposition du monde. Mais ça, c'est pour une prochaine fois !

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